Les habitants de la côte avaient entendu
raconter des choses étranges sur ces deux personnages, qui
apparaissaient sur la terre, au milieu des nuages, aux
grandes époques de calamité, quand une guerre affreuse
menaçait de planter son harpon sur la poitrine de deux pays
ennemis, ou que le choléra s'apprêtait à lancer, avec sa
fronde, la pourriture et la mort dans des cités entières. Les
plus vieux pilleurs d'épaves fronçaient le sourcil, d'un air
grave, affirmant que les deux fantômes, dont chacun avait
remarqué la vaste envergure des ailes noires, pendant les
ouragans, au-dessus des bancs de sable et des écueils,
étaient le génie de la terre et le génie de la mer, qui
promenaient leur majesté, au milieu des airs, pendant les
grandes révolutions de la nature, unis ensemble par une
amitié éternelle, dont la rareté et la gloire ont enfanté
l'étonnement du câble indéfini des générations.
Les voilà qui tracent des cercles dont la concentricité diminue, ... Je vais éprouver de grandes émotions, à ce spectacle où une partie de mon être est engagée. Puissant dragon, je t’exciterai de mes cris, s’il est nécessaire... Aigle, comme tu es horrible ! Tu es plus rouge qu’une mare de sang ! Quoique tu tiennes dans ton bec nerveux un cœur palpitant, tu es si couvert de blessures, que tu peux à peine te soutenir sur tes pattes emplumées ; et que tu chancelles, sans desserrer le bec, à côté du dragon qui meurt dans d’effroyables agonies. La victoire a été difficile ; n’importe, tu l’as remportée : il faut, au moins, dire la vérité... Tu agis d’après les règles de la raison, en te dépouillant de la forme d’aigle, pendant que tu t’éloignes du cadavre du dragon. Ainsi donc, Maldoror, tu as été vainqueur ! Ainsi donc, Maldoror, tu as vaincu l’Espérance ! Désormais, le désespoir se nourrira de ta substance la plus pure ! Désormais, tu rentres, à pas délibérés, dans la carrière du mal ! Malgré que je sois, pour ainsi dire, blasé sur la souffrance, le dernier coup que tu as porté au dragon n’a pas manqué de se faire sentir en moi. Juge toi-même si je souffre ! Mais tu me fais peur. Voyez, voyez, dans le lointain, cet homme qui s’enfuit. Sur lui, terre excellente, la malédiction a poussé son feuillage touffu ; il est maudit et il maudit. Où portes-tu tes sandales ? Où t’en vas-tu, hésitant comme un somnambule, au-dessus d’un toit ? Que ta destinée perverse s’accomplisse ! Maldoror, adieu ! Adieu, jusqu’à l’éternité, où nous ne nous retrouverons pas ensemble ! "
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